Pendant deux ans, j’ai vécu dans un autre espace-temps. Mon corps était bien présent, mais mon esprit se retrouvait plongé dans mon passé. Les souvenirs oubliés réapparaissaient les uns après les autres et j’étais redevenue une petite fille. Je redécouvrais l’histoire de vie, les émotions et les ressentis de cette petite fille.
Tous mes repères intérieurs volaient en éclat, toutes mes certitudes aussi. Est-ce possible d’oublier ? Dès que j’en ai eu l’énergie, je me suis réfugiée dans les livres, dans les vidéos. J’avais cette soif de comprendre ce qui se passait. Etais-je devenue folle ? D’autres personnes avaient-elles vécu cette amnésie tout comme moi ?
J’ai découvert toutes sortes de partages et de témoignages.
Une part de moi se sentait rassurée… oui je n’étais pas la seule. C’est possible d’occulter des évènements traumatiques de son passé. D’autres personnes l’ont vécu.
J’avais besoin de comprendre. Comment le cerveau peut-il permettre cela ? Comment cela se passe-t-il concrètement dans mon corps ? Est-ce physiologiquement possible ? Oui, c’est possible.
Au-delà des témoignages, j’ai trouvé des personnes qui mettaient des mots sur ce que je vivais et qui l’expliquaient. A ce moment-là, j’ai pu écarter l’hypothèse de la folie. Ce que je vivais était « normal », même si c’était une normalité dont je me serais bien passée.
J’ai découvert le terme de survivante. Ce mot me semblait bien étrange. Oui, j’ai survécu à ces traumatismes et oui, à ces moments-là, j’étais toujours dans la survie. Mon système nerveux était en survie. Je percevais le monde autour de moi comme menaçant et dangereux. Je ne me sentais jamais en sécurité, sauf dans de rares moments où j’éprouvais de la gratitude pour la belle nature qui m’entourait et les personnes qui m’accompagnaient avec bienveillance.
Ce mot survivante me donnait à la fois l’énergie de poursuivre le combat, comme je l’avais fait jusque-là, mais en même temps je me rendais compte que je n’avais plus envie de combattre. J’étais fatiguée de lutter pour ne pas sombrer, pour survivre. Et si je me permettais de « toucher le fond » et si j’allais à la rencontre de cet espace vivant en moi, celui qui ose être vulnérable, celui qui ose ressentir, celui qui ose reconnaître et accueillir cette petite fille terrorisée en toute sécurité ? Est-ce possible ?
J’ai découvert alors le terme de résilience. Ce mot me parlait, j’avais cette envie de ne pas rester enfermée dans la survie, de guérir, de faire de toutes ces prises de conscience une chance qui mettait en lumière mon fonctionnement et mes mécanismes inconscients, pour les transcender et pour m’en libérer. Est-ce possible de vivre sans se laisser définir par son passé?
A présent, je peux vous témoigner que c’est possible. Avec détermination et persévérance, j’ai mis de la conscience sur ce pilotage automatique et inconscient qui me faisait percevoir (à juste titre pour lui) que le monde extérieur était dangereux, que les relations à moi-même et aux autres étaient dangereuses. Jour après jour, j’ai réinformé mon corps et mon esprit. Oui, ils ressentaient le monde comme menaçant, cette information était mémorisée jusqu’au plus profond de mes cellules. C’était ok et en même temps, il n’y avait plus aucun danger dans mon quotidien, je ne risquais plus rien. Alors je rassurais ces parties effrayées et anxieuses quotidiennement. Je les accueillais avec amour et bienveillance. Je leur expliquais que la vie pouvait être sécure et qu’ensemble on pouvait expérimenter de nouvelles manières d’être et de faire.
Peu à peu, j’ai osé, j’ai testé et j’ai aimé être surprise. Ces expériences me montraient que mes peurs n’étaient plus adaptées. J’ai osé parler de mon histoire, j’ai osé partager ce que je vivais, j’ai osé entrer en lien avec mon monde intérieur et le monde extérieur. Chaque pas posé dans ce sens me permettait de découvrir cet élan de vie en moi. Je découvrais la joie d’expérimenter et de découvrir de nouveaux résultats. Je me reconnectais à la joie et à l’insouciance de cette enfant intérieur.
Ce chemin emprunté il y a quelques mois m’a redonné la vie. Je suis sortie de la survie pour découvrir la vie ! Chaque jour me réserve de nouvelles surprises, le chemin n’est pas terminé, je rencontre des défis, des insécurités, mais c’est ok. J’ai à présent les ressources nécessaires pour danser avec la vie et les évènements. Je ne lutte plus pour maîtriser la vie, je laisse la vie me traverser et j’expérimente.
Et toi, as-tu envie de découvrir cet élan de vie ?
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